Entretien août 2013

A l’occasion de l’exposition « Embarquement pour Cythère », programmée à l’Hôtel de ville de Trouville-sur-mer en août 2013.

Cette exposition de peinture est placée sous le signe d’un tableau célèbre,
L’Embarquement pour Cythère de Watteau ?

Jacques Vimard :
Oui, c’est l’embarquement pour l’ « île enchantée », l’île d’Aphrodite, déesse de l’amour et de la beauté. On néglige trop aujourd’hui la permanence de cet amour – le plaisir, le jeu, la grâce, le raffinement des mœurs, de la culture, et pourtant…

Il y a deux ans vous avez exposé, ici même, une série d’une vingtaine de tableaux en hommage à Eugène Boudin dans le cadre du festival Normandie impressionniste. Comment avez-vous vécu le retour à votre propre peinture ?

Jacques Vimard :
J’ai beaucoup pensé aux ciels, aux « petites dames de la plage », aux robes, aux ombrelles, aux vagues, à un espace sans limites. Les silences ! C’était, d’une certaine façon, retrouver le jeune homme que je fus, peignant des paysages, les bords de Marne… La présence d’une image soudaine, flashée, naïve (des vagues, la petite voile au loin), qui intervient dans la composition du tableau : l’espace d’un état d’innocence, la porte grande ouverte sur le rêve… Oui, l’image de la mer me trouble. Elle fragmente, perturbe, c’est une présence indéfinissable. Une ligne d’horizon lointain, une petite voile, me font rêver, tout comme un arbre bleu ou rose. Pas n’importe quel bleu, pas n’importe quel rose !

L’infini est toujours présent dans votre peinture. L’avant, le perdu, l’origine. D’une part un espace peuplé d’animaux, de petites vies anciennes (escargots, papillons…), d’autre part des espaces fragmentés, séquences en solo (jardins, bords de mer, rivages, astres, voiliers) composent ce théâtre émotionnel. Comment rattachez-vous votre œuvre à l’art dit « moderne » ou « contemporain » ?

Jacques Vimard :
Le papillon : l’air, le ciel. L’escargot : le sol, la terre (l’escargot vole aussi). Ces petits êtres tellement sophistiqués, élégants, gracieux, ces cadeaux de la nature sont les acteurs de ce théâtre émotionnel, de ce mystère. L’artiste est au-delà de la notion de temps « moderne », « contemporain ». Il est au secret.

Vous revendiquez l’ornement, le voluptueux, le pétulant, l’heureux… Comment enjamber de vos « souliers roses à
talons verts » le monde d’aujourd’hui ?

Jacques Vimard :
Il y a de grandes époques. Pour moi le XVIIIe siècle. Boucher, Watteau, Fragonard sont les peintres de la beauté, de l’ambiguïté, du mystère. L’ornement, le voluptueux, le pétulant sont le fondement de la « matière
peinte ». Le peintre est un danseur, un enfant à la quête du bonheur. On nous impose aujourd’hui le malheur, un pathos insignifiant, imbécile : un art camelot technocratique. L’art pour moi n’a rien à voir là-dedans. L’art frôle toujours le sacré.