Textes 1960 – 1970
Texte de Hélène Parmelin Mai-juin 1973
« Vimard est de ces peintres « nés » dont on dit en voyant leurs premières toiles : « Il y a quelque chose dedans. » Il est de ces peintres à énergie passionnée, qui n’essaient pas de ruser avec la peinture, mais foncent au travers.
Il hait les estrades à peintres. Il ne tombe pas dans les pièges d’aujourd’hui où meurent à peine nommés des milliers de « génies » qui travaillent à leur renommée avant de travailler tout court, et disparaissent dans le néant ou dans la mode, leur petite trouvaille à la main. Vimard a encore très peu exposé. Il se voue au travail exclusivement pendant tout le temps que la vie lui en laisse le moyen. Il peint, il regarde, il se conteste, il fait ses expériences. Et sa vie jeune, mais combien difficile, est tout entière marquée de sa fureur de peindre et de connaître. Sa peinture, de métamorphose en métamorphose, est forte et passionnée. Jamais indifférente. Jamais calme. Jamais pour rien. Ses expériences, à travers lesquelles sa personnalité se forge, et se dessine de plus en plus clairement, sont celles de ce temps singulier où s’affrontent en art tant d’idées novatrices et destructrices. Qui toutes sont nourriture. Même si l’atmosphère qu’elles créent est souvent rien moins qu’exaltante.
Il a été happé par les drames de l’actualité et leurs images photographiques. Il ne pouvait plus penser à autre chose, parler d’autre chose. Car ses thèmes le taraudent. Et le hantent tout à fait de la même façon quand ce peintre sans cravate, au propre comme au figuré, se met à considérer avec un regard de peintre une main sur une cravate, que la peinture transforme en problème de la réalité et de l’esprit. Et de la même façon, quand il fonce à travers les nageurs, ne vit plus, ne respire plus qu’à travers les problèmes que lui pose la vérité de la mer et de ses écumes, celle du mouvement, afin de peindre non pas des corps dans l’eau mais cette substance non nommée faite du corps liquide et de la mer solide, qui est « le nageur ». L’exposition de Lyon éclate de cette jeunesse forte et passionnée, amoureuse de la vie et douloureuse, sûre d’elle-même et incertaine, violente et méditative, qui est celle de Vimard, accordée à celle de notre temps.
Il répète souvent – le sait-il ? – une phrase qui est sa marque : « Je suis furieux ! » Furieux de ce qui se passe. Ou de ce qui ne se passe pas. Furieux à propos du monde des arts. Ou du monde tout court. Ou à propos de lui-même. En dehors du talent et de sa façon de travailler, comme il dit, « au maximum », il possède au plus haut degré cette qualité majeure du vrai peintre : l’insatisfaction. Cette fureur, souvent découragée et décourageante, est tout entière dans sa peinture, où elle devient nourrissante, féconde, bouscule tout, remet tout en question, explose. Ce qui n’empêche pas, répondant à ses enthousiasmes délirants et à ses fureurs noires, une grande clarté, une lumière de peintre, aboutissant à cette présence d’une peinture vraie, qu’on ne peut pas ne pas sentir profondément à l’exposition de Lyon. »
Texte in Contre Courant de Edouard Pignon Editions Stock 1974
« J’ai rencontré un très jeune peintre dont les toiles m’ont beaucoup impressionné. Il y avait une grande sensibilité dans la matière, dans la couleur. Il a laissé une toile chez moi, dans mon atelier. Comme c’était une grande toile, il y en avait toujours un morceau qui dépassait d’autres toiles de moi posées devant. Et ce mètre carré de couleur qui sortait jetait un éclat. Et ça c’est un don. Ce type a bu inconsciemment le lait de Matisse, celui de Picasso, comme celui de Cézanne. Il ne faut rien ignorer pour se libérer. »